Modélisation du bilan hydrique
Qu’est ce que c’est ?
La modélisation du bilan hydrique est la traduction des processus réels (par exemple la transpiration des
arbres, l’interception des précipitations) sous forme d’un ensemble d’équations. Ces équations sont basées
sur des mesures, réalisées dans un grand nombre de peuplements forestiers de différentes espèces, dans
différentes conditions de climat, de sol, d’âge et de gestion des couverts. Le modèle BILJOU© fonctionne au pas de
temps journalier. Ce pas de temps raisonné représente un compromis entre :
- un pas de temps plus court (l’heure) qui pose le problème de la difficulté de disposer de données
météorologiques horaires et alourdi le formalisme pour des phénomènes transitoires comme l’infiltration de l’eau
dans le sol,
- un pas de temps plus long (décade voire mois) qui dégrade un certain nombre de processus et a notamment
l’inconvénient de mal reproduire les phénomènes à effet de seuil comme la régulation de la transpiration des
arbres.
Quelles fonctions ?
La fiche bilan hydrique donne
l’organisation générale des flux d’eau échangés dans un écosystème forestier.
Le modèle BILJOU© utilisé ici traduit chacun de ces flux par une ou plusieurs équations, excepté le
drainage, qui est calculé par différence.
Variation de l’indice foliaire
Variation de l'indice foliaire.
Les espèces sempervirentes, dont les résineux, sont supposées présenter un indice foliaire (LAI) ne variant
pas au cours de l’année. Pour les espèces décidues (feuillues et le mélèze), le modèle requiert deux paramètres
: la date de débourrement et celle de chute totale des feuilles ou des aiguilles. A partir de la date de
débourrement, le LAI augmente linéairement jusqu’à sa valeur maximale pendant 30 jours. De la même façon 30
jours avant la chute totale des feuilles, le LAI décroît pendant 30 jours jusqu’à atteindre 0. Quelque soit
le couvert, l’indice foliaire maximal est un paramètre caractéristique du peuplement étudié qui doit être
fourni par l’utilisateur.
Transpiration des arbres et sa régulation (T)
Variation de la transpiration.
La transpiration journalière est calculée selon une fonction de l’ETP et de l’indice foliaire. A partir de nombreuses données issues de nos expérimentations et de la littérature, le rapport T/ETP maximum est fixé à 0.75 (voir Granier et al, 1995), en conditions de fort LAI (>6) et en l’absence de contrainte hydrique. Lorsque le LAI est inférieur à 6, la transpiration, donc le rapport T/ETP, diminuent proportionnellement avec le LAI. Lorsqu’il y a un dessèchement du sol, la transpiration n’est limitée par la régulation stomatique que lorsque la réserve en eau relative du sol (REW) descend au-dessous du seuil de 0.4. La figure ci-contre illustre l’ensemble de ces variations (voir la page
transpiration et regulation).
Interception des précipitations (In)
Fonction calculant l’interception en fonction de la pluie incidente.
A partir des nombreuses mesures réalisées dans des peuplements de feuillus et de résineux, nous avons établi une fonction qui calcule le rapport entre l’interception et la pluie incidente : i) au-dessous d’un certain seuil de pluie, appelé capacité de saturation du couvert (typiquement compris entre 1 et 3 mm), 100% de la pluie est interceptée. Ce seuil est dépendant du LAI du peuplement, ii) au-delà de ce seuil, lorsque la pluie augmente, l’interception relative de la pluie suit une fonction hyperbolique décroissante (voir figure ci-contre). De plus, pour une valeur de pluie donnée, In augmente avec le LAI.
La pluie au sol est calculée par différence entre la pluie incidente et l’interception (voir figure ci-contre et la page
interception des précipitations).
Evaporation du sol et de la strate herbacée (Eu)
Ce flux dépend directement de l’énergie arrivant à ce niveau de l’écosystème : il est fonction du rayonnement au sol, donc du rayonnement incident et de son extinction à travers le LAI total du peuplement (en l’absence de feuilles, de WAI, indice de bois du peuplement, voir fiche transpiration et régulation).
Drainage
Ce terme est calculé par différence entre l’entrée d’eau et les sorties au moyen de l’équation :
Dr = Pi – In – T - Eu (voir fiche fiche drainage).
Des mesures d’humidité du sol montrent que lorsque la pluie tombe sur un sol desséché, sa réhydratation
n’est pas aussi rapide que celle attendue. En effet, la macroporosité permet des flux d’eau rapides dans
le sol, même lorsque celui-ci n’a pas atteint la capacité au champ. Ce phénomène d’écoulements préférentiels
est plus prononcé dans des sols fissurés par le dessèchement. Le modèle Biljou© reproduit ce phénomène ;
pour chaque couche du sol, le drainage est calculé ainsi :
- si une couche de sol est à la capacité au champ, toute eau supplémentaire est évacuée par drainage,
- lorsque le sol est plus sec, une fraction de l’eau qui arrive est drainée vers la couche suivante en suivant
la macroporosité, et la fraction complémentaire réhumecte la couche de sol considérée.
La figure (ci-dessous) montre les écarts entre deux simulations de la réserve en eau relative du sol (REW),
pour deux hypothèses : avec ou sans prise en compte des écoulements rapides via la macroporosité.
Ecarts entre deux simulations de la réserve en eau relative du sol (REW), pour deux hypothèses : avec ou sans prise en compte des écoulements rapides via la macroporosité.
Organisation générale du modèle
Le modèle utilise des données météorologiques journalières (voir fiche météorologie) :
- précipitation
- température de l’air
- humidité relative, pression de vapeur dans l'air ou déficit de saturation de l’air
- vitesse du vent
- rayonnement global
Un certain nombre de paramètres caractérisant le sol et le peuplement sont nécessaires au modèle :
- le type de couvert : décidu ou sempervirent
- pour un peuplement décidu, les dates de débourrement et de chute des feuilles
- l’indice foliaire maximal du couvert
- les caractéristiques hydriques et physiques du sol et les fractions de racines fines dans chacune des
couches de sol (2 ou 3)
Chaque jour le modèle parcourt la boucle suivante :
- calcul de l’ETP, à partir des variables météorologiques élémentaires
- calcul de l’interception des précipitations et de la pluie sous couvert
- calcul de l’évapotranspiration de la strate herbacée
- calcul de la transpiration, éventuellement limitée lorsque REW est inférieur à 0.4
- ajout de la pluie au sol dans le réservoir en eau du sol. Pour chaque couche de sol du site, une partie
de ce flux réhumecte cette couche, le reste migre par écoulement rapide dans la couche suivante.
Le drainage final est celui qui sort de la couche de sol la plus profonde (hors zone racinaire).
- soustraction de l’évapotranspiration du sol et de la strate herbacée dans l’horizon superficiel
- soustraction de la transpiration dans les différentes couches de sol
- calcul de la nouvelle réserve en eau du sol et du REW
- fin de la boucle journalière
A la fin de chaque année, le bilan des flux d’eau élémentaires et trois indices de sécheresse (durée,
intensité, précocité) sont calculés, sur l’année complète pour les sempervirents ou sur la période comprise
entre les dates de débourrement et de chute des feuilles pour les décidus.
Variations de l’évapotranspiration potentielle (ETP), de la transpiration (TR) et d’évapotranspiration de la strate herbacée (Eu) dans une hêtraie pour une année complète et de la réserve en eau relative du sol (REW, échelle de droite).
Références utiles
Granier A, Badeau V, Bréda N (1995) Modélisation du bilan hydrique des peuplements forestiers. Revue
Forestière Française, XLVII, 59-68.
Badeau V, Bréda N (2008) Modélisation du bilan hydrique : étape clé de la détermination des paramètres et
des variables d’entrée. RDV techniques hors-série n°4 – ONF.
Granier A, Breda N, Biron P, Villette S (1999) A lumped water balance model to evaluate duration and intensity of
drought constraints in forest stands. Ecological Modelling 116: 269-283.
Courbet F, Doussan C, Limousin J-M, Martin-St Paul N, Simioni G (2022) Forêt et changement climatique - Comprendre et modéliser le fonctionnement hydrique des arbres. Editions Quae, collection Synthèses, 144 p.