BILJOU
Modèle de bilan hydrique forestier
- UMR Silva
La réserve en eau du sol se définit comme le volume d’eau contenu dans le sol à un instant donné. Ce volume, ou stock d’eau, est généralement exprimé en épaisseur de lame d’eau (en mm), pour être facilement comparé aux pluies et à l’évapotranspiration. C’est une grandeur dynamique qui évolue au cours du temps, sous l’action conjointe des précipitations et de l’évapotranspiration. Cependant toute l’eau contenue dans le sol n’est pas utilisable par la végétation, soit parce que les racines ne colonisent pas tout le volume de sol, soit parce que l’eau est trop fortement retenue par le sol pour être extraite par les racines.
L’état hydrique d’un sol peut être caractérisé in situ par l’état de liaison de l’eau (succion, qu’on appelle potentiel hydrique) ou par la quantité d’eau qu’il contient (humidité). Le suivi dans le temps de l'humidité du sol peut être réalisé directement par gravimétrie (humidité pondérale d’échantillons de sol), ou indirectement en utilisant des relations entre propriétés physiques ou chimiques des sols et leur teneur en eau. L’humidité volumique peut ainsi être déterminée par mesures neutroniques, de conductivité électrique ou de la constante diélectrique du sol. L’état de liaison de l’eau se quantifie par le potentiel hydrique du sol, négatif lorsque l’eau est sous tension et nul lorsque l’eau est libre. La lame d’eau (en mm) d’une couche de sol est égale au produit de son humidité volumique exprimée en % par son épaisseur (en décimètre). Le stock d’eau dans le sol est calculé comme la somme des lames d’eau de chaque couche de sol. Cependant, tout le stock d’eau n’est pas mobilisable par les systèmes racinaires ; celui-ci n’est donc jamais égal à zéro même en condition de sécheresse sévère : l’eau de constitution, très fortement liée aux particules de sol, n’est pas extractible par les racines. De très nombreuses mesures d’humidité du sol sur les épaisseurs importantes ont été réalisées par notre équipe avant de développer la modélisation des bilans hydriques forestiers. Ces longues séries de mesures ont permis de valider les estimations produites par Biljou© dès 1999.
Tarrière pédologique : un prélèvement de sol pesé frais puis séché à l’étuve à 105°C permet de déterminer sa teneur en eau massique
Deux exemples d’équipements de mesure de la teneur en eau volumique par réflectométrie dans le domaine temporel (TDR), soit avec des guides d’ondes insérés dans le sol (à gauche : modèle Trase) soit en déplacement de la sonde dans un tube d’accès (à droite, modèle Trime)
Sonde à neutrons (Troxler) : permet de mesurer la teneur en eau volumique de manière répétée au cours du temps à différentes profondeurs à l’aide du déplacement de la sonde dans un tube d’accès
1. Déterminer l’épaisseur totale de sol explorée par les racines fines. C’est la première source d’imprécision à laquelle se heurte le praticien, forestier en particulier. Une observation sur front de fosse est souvent utile. En absence d’obstacle évident (dalle, charge en cailloux …) la profondeur prospectée par des arbres forestiers adultes est souvent d’au moins de 2 m.
Cartographie de la distribution des racines fines, réalisée par comptage des racines sur un front de fosse à l’aide d’une grille à maille de 10 cm x 10 cm. Les couleurs sur la carte illustrent les densités de racines.
Classe de texture (selon le triangle de Jamagne) | Humidité % à la capacité au champ (pF=2.5) | Huminité % au point de flétrissement permanent(pF=4.2) | Eau utile (g d’eau pour 100 g de sol) | Densité apparente (sans dimension) | Réservoir utilisable (mm d’eau par cm de sol) |
---|---|---|---|---|---|
S | 8 | 3 | 5 | 1.35 | 0.7 |
SL | 12 | 5 | 7 | 1.40 | 1.0 |
SA | 19 | 10 | 9 | 1.50 | 1.35 |
LlS | 15 | 7 | 8 | 1.50 | 1.20 |
LS | 19 | 9 | 10 | 1.45 | 1.45 |
LmS | 20 | 9 | 11 | 1.45 | 1.60 |
LSA | 22 | 11 | 11 | 1.50 | 1.65 |
LAS | 24 | 12 | 12 | 1.45 | 1.75 |
Ll | 17 | 8 | 9 | 1.45 | 1.30 |
Lm | 23 | 10 | 13 | 1.35 | 1.75 |
LA | 27 | 13 | 14 | 1.40 | 1.95 |
AS | 33 | 22 | 11 | 1.55 | 1.70 |
A | 37 | 25 | 12 | 1.45 | 1.75 |
AL | 32 | 19 | 13 | 1.40 | 1.80 |
A lourde | 29 | 18 | 11 | 1.50 | 1.65 |
Tableau des réservoirs en eau selon les textures, Service de cartographie des sols de l’Aisne, Jamagne et al., 1977 ; in Baize et Jabiol, 1995).
Pour extraire l’eau du sol, les arbres exercent une succion équivalente au potentiel hydrique, provoquée par un gradient de potentiels entre les feuilles et le sol au cours de la transpiration, une succion forte correspondant à un potentiel hydrique très négatif. L’absorption de l’eau dans le réservoir du sol est assurée par les racines fines non subérisées, souvent associées à des champignons mycorhiziens permettant de « drainer » l’eau vers la racine.
Racines fines et mycorhize de lactaire en chênaie observées dans un sol forestier à l’aide d’un endoscope (photo N Bréda, 2008)
Les hyphes extramatriciels d’un champignon mycorhizien se répandent largement dans le sol et augmentent la surface d’absorption d’eau et d’éléments nutritifs. Observations sous chêne dans un sol forestier à l’aide d’un endoscope (photo N Bréda, 2008)
L'efficacité du système racinaire dépend : 1) de son extension spatiale, en particulier en
profondeur, 2) de ses capacités de prélèvement à des potentiels hydriques très négatifs (eau
fortement liée à la microporosité du sol), 3) de ses potentialités de croissance en longueur,
notamment en phase de réhumectation après une sécheresse. Le trajet de l'eau (et des solutés) entre
le sol et l’intérieur de l’arbre est régi par des lois biophysiques bien établies, qui font appel
aux principes de la diffusion en phase liquide dans les milieux poreux et aux mécanismes osmotiques.
Ce trajet se décompose en trois étapes :
Coupe anatomique d'une racine.
Lorsque le sol est humide, l’eau occupe les macropores et est facile à mobiliser par des succions faibles ; l’absorption se produit de manière proportionnelle à la distribution des racines fines. Dans cette situation, les horizons de surface fournissent davantage d’eau aux arbres que les horizons profonds, puisque la majorité des racines s’y trouvent. Au cours du dessèchement du sol, les prélèvements se répartissent ensuite sur tout le profil enraciné, puis se limitent plus en profondeur, là où la rétention de l’eau est moins forte. Enfin, en période de sécheresse édaphique intense, seules les couches enracinées les plus profondes peuvent encore fournir de l’eau aux plantes. C’est alors les quelques pourcents de racines fines profondes qui assureront l’intégralité des prélèvements. La contribution de chaque horizon de sol à l’alimentation hydrique des arbres est donc variable au cours de la saison en fonction de la facilité d’extraction de l’eau.
Evolution du prélèvement d’eau dans des différentes couches de sol lorsque la sécheresse progresse, dans une frênaie. Les mesures ont été réalisées au moyen d’un humidimètre neutronique. A droite, distribution des racines fines dans les différentes couches du sol du même peuplement. (d’après Bréda et al., 2002)
Badeau V, Ulrich E (2008) : RENECOFOR - Etude critique de faisabilité sur : la comparabilité des données météorologiques « RENECOFOR » avec celles de Météo France, l’estimation de la réserve utile en eau du sol et le calcul des volumes d’eau drainée en vue du calcul de bilans minéraux sur les placettes du sous-réseau CATAENAT. Editeur : Office National des Forêts, Direction Technique et Commercial Bois, ISBN 978 – 2 – 84207 – 323 – 7, 108 p. et 166 pages annexes.
Badeau V, Bréda N (2008) Modélisation du bilan hydrique : étape clé de la détermination des paramètres et des variables d’entrée. RDV techniques hors-série n°4 – ONF.
Bréda N, Lefèvre Y, Badeau V (2002) Réservoir en eau des sols forestiers tempérés : spécificité et difficultés d’évaluation. La Houille Blanche, 3-2002, Forêts et Eau, 25-40
Brethes A, Ulrich E (coordinateurs) (1997) RENECOFOR - Caractéristiques pédologiques des 102 peuplements du réseau. Editeur : Office National des Forêts, Département des Recherches Techniques, ISBN 2 – 84207 – 112 3, 573 p.
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